Crapahut

Publié le par Taméra

Ce matin, allez savoir pourquoi j'ai pensé à ça. Reclus dans ce 9m², je sublime mes envies par des rêves d'espace. Crapahuter, c'est marcher longuement, ahaner, un sac lourd au dos, au point de perdre la notion du temps et de l'espace. Je me souviens de ces instants fantastiques, dans la lande bretonne. Au départ, ça parle, ça chahute. Au bout de trente kilomètres, on fait moins le malin, mais on a encore le temps d'observer le paysage, de regarder les grosses vaches dans la prairie luxuriante. Après 60 km, c'est chacun pour soi. Les pas s'allongent tous seuls. A 100km, l'esprit se vide, le geste devient mécanique, et une sorte de voile nimbe le regard. On marche, la sueur perle sur le front, s'insinue dans la bouche. C'est salé, ça sent la bête, on n'aime ça. Ca, c'est le crapahut. Parfois, on se risque à demander à l'élève chargé de topographie combien de bornes il reste, mais c'est une chose qu'on ne fait pas deux fois. C'est souvent décourageant.

Mon crapahut à moi, c'est rester allongé sur le lit, un livre rivé à 20cm de mon visage. Dans cette position, on ne se rend pas compte, mais on bouge tout le temps : pour soulager une partie du dos, pour capter un rayon de lumière, pour changer de bras. Puis à la fin de la journée, eh bien ! on a l'impression d'avoir crapahuté pour de vrai.

Le refus d'espoir, c'est la devise de la journée.

Hier un ami est passé, pour me dire que j'allais sortir bientôt. J'ai cerné le piège. Je lisais justement un livre où un barjot indiquait que la meilleur moyen de brise le moral d'un otage, était de lui donner l'impression qu'il allait être libéré. On lui fait préparer ses effets, dire au revoir aux autres otages, on lui met un bandeau au visage, puis on lui fait faire un tour qui le ramène à son point de départ. Il n'y a pas plus déstabilisant.

Donc refus d'espoir. Mais petits instants de la vie. Hier j'ai eu la visite de quelques amis. Nous avons fait passer la bière, et nous nous sommes beurrés tranquillement. Nous avons fait comme tout le monde : maudis tous les vioques qui nous empêchaient de tourner en rond, et…nous nous sommes encore beurrés. C'était bien. Instants volés, que je les appelle.

Ce matin, je suis encore tout sale parce que l'eau, ici, est une chose rare. Nous sommes en hauteur, et il suffit qu'un malin oublie de fermer un robinet en bas, que nous en avons pour notre garde.

Tout à l'heure, je suis allé, comme qui dirait au petit coin, et j'ai eu la mauvaise surprise de constater qu'il n'y avait pas d'eau dans le schmilblick. J'ai dû monter la garde devant la porte pour éviter d'aller expliquer à mon camarade d'infortune qu'il avait intérêt à serrer les muscles du postérieur. Instants volés.

Il faut que je me mette à l'écriture d'une nouvelle. J'ai tout en tête, mais le hic est que je n'ai pas une bonne position. J'ai juste une chaise pour mon ordinateur. Et dans cette position, mon cou est vite mis au supplice.

Aller, il faut que je m'y mette vraiment.

Ce que l'on fait de sa vie, résonne dans l'éternité.

Publié dans Délires

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