Verdict de la cour de justice de la CEDEAO sur l’exclusion des députés pro-ANC : est-ce la fin de l’insouciance au Togo?

Publié le par Gerry

Hier soir, j’étais à mon bureau, à Nyékonakpoè su le boulevard circulaire, quand j’ai vu passer ( plutôt sur mon écran de surveillance)  une vague orange, mélange hétéroclite de motocyclistes (Zed), de cycliste, et surtout de manifestants à pieds. C’était les militants de l’ANC qui exprimaient ainsi le joie suite à la décision de la cour de justice de la CEDEAO. Et pour tout dire, j’étais content pour eux. Ce n’était que justice pour eux. Depuis le début de cette affaire, j’ai toujours exprimé mon opposition à cette exclusion cavalière, et je suis bien aise que la CEDEAO dise enfin notre droit à notre place.

Dans la foulée, j’ai surfé un peu sur internet pour savoir comment cela se passait. Republicoftogo était le plus prompt à publier un article minimisant la portée de ce verdict, arguant que les décisions de notre cour constitutionnelle n’étaient susceptibles d’aucuns recours. Mais cet article sera retiré du site une demi-heure plus tard. C’est nouveau ça. Le héraut du régime n’a jamais été contraint à se rétracter. Enfin, pas à ma connaissance.

La question qui je suppose est sur toutes les lèvres est que : Et maintenant, qu’est ce qui va se passer ?

Trois hypothèses, à mon sens.

Primo : Le gouvernement pourrait faire preuve d’élégance et surtout de pragmatisme, et exécuter la décision de cette cour. Les députés ANC retrouverons leur place à l’assemblée nationale, et il ne perdra pas forcément la face, surtout s’il prend soin d’expliquer qu’il n’y est pour rien dans la décision juridique de la cour constitutionnelle qui est supposée être indépendante. Bien au contraire, en se comportant ainsi, il glisse une peau de banane sous les pieds de l’ANC, en l’obligeant cette fois ci à s’asseoir  à la table de négociation. Je sais, contrairement à ce que pensent mes amis de l’ANC sur facebook, que les préalables que leur parti pose avant de  prendre part au CPDC concernent aussi la remise des motos saisies lors des manifestations, la restitution des PV…, mais il ne serait pas crédible pour Fabre de poser encore d’autres conditions après sa réintégration à l’Assemblée nationale.

Secundo : Le gouvernement ne réfute pas la décision, mais traine les pieds. Si vous suivez les atermoiements de Me Zeus à sa sortie d’audience, on comprend tout de suite qu’il pourrait y avoir des problèmes d’interprétation. En s’appuyant la dessus, le régime pourrait faire du dilatoire jusqu’à l’année prochaine, et finir par réintégrer les députés à quelques mois seulement du prochain scrutin législatif. Ceci fragilisera à coup sûr l’ANC, qui aurait perdu beaucoup de forces dans la bataille bataille de la réintégration.

Tertio: Le gouvernement refuse de reconnaître cette décision, prétextant sa souveraineté. L’article 15§4 du traité de la CEDEAO est pourtant clair. » Les arrêts de la cour de justice ont force obligatoire à l'égard des états membres, des institutions de la communauté, et des personnes physiques et morales ». D’ailleurs, cette position serait incompatible avec la position affichée par le régime ces derniers temps. En effet, le ministre Bodjona a même dit attendre la décision de la cour de justice avant la poursuite des activités du CPDC. Le refus de reconnaître la décision de la CEDEAO serait d’ailleurs suicidaire pour Faure, car lui vaudrait un isolement sévère, qu’il ne saurait se permettre, au moment ou le Togo préside l’UEMOA.

Qui gagne quoi dans cette histoire ?

Personne n’est gagnant.

Le retour des députés de exclus n’est qu’une victoire de l’ANC … sur l’UFC. C’est Gil qui a voulu punir ses anciens lieutenants pour avoir osé se dresser contre lui. Leur retour est un camouflet pour lui, sauf qu’aujourd’hui, Gil ne compte pas. Le parlement aura toujours 50 députés RPT, soit une majorité confortable. La seule victoire possible de l’ANC sur le RPT est purement d’ordre psychologique. La satisfaction d’avoir eu raison. Si par contre Fabre et consorts n’avaient pas épuisé leur crédit de sympathie en marchant systématiquement tous les week-ends, cette décision aurait servi d’effet détonateur pour la campagne législative 2012. Il ne faut pas oublier que l’objectif reste les législatives de 2012, qu’il faut commencer à préparer maintenant. Mais comme je l’ai dit plus haut, l’effet induit de cette décision risque d’être l’acculement de Fabre, qui ne pourra plus s’abriter derrière son exclusion pour ne pas participer au CPDC.

Le RPT ne perd par grand-chose. Il peut toujours s’abriter derrière la séparation des pouvoirs pour ne pas se sentir concerné par la décision d’exclusion des députés pro-ANC. S’il s’exécute à intégrer les députés, il fera d’ailleurs montre de hauteur, de sagesse et de respect des institutions communautaires.

 Le Togo seul est perdant sur toute la ligne, car encore une fois, il se serait illustré à l’extérieur comme un Etat de non-droit. Au même moment où à Genève, nous sommes étrillés par les autres nations pour le peu de cas que nous faisons des droits de l’homme, cette décision écorne une fois encore l’image de notre pays. Les investisseurs ne vont pas se bousculer. Hélas.

Par contre, tout ceci soulève le voile sur deux dangers potentiels, qui vont se présenter assez rapidement. Le premier est pour l’opposition, et le second pour le régime en place.

En célébrant la décision de la cour de justice de la CEDEAO, Fabre se met dans une position délicate. Cette même CEDEAO a reconnu à deux reprises la défaite électorale de son parti à des élections présidentielle. Que va-t-il faire si dans 3 ans, la question d’un troisième mandat de Faure à la présidentielle se pose, et cette cour même trouve cette éventualité recevable selon le droit togolais. Car ainsi que cela s’est passée au Niger, cette même cour pourrait être saisie sur la légalité d’une présentation de Faure aux élections de 2015 ? Par ailleurs, en faisant la fête parce que la CEDEAO leur donne raison, pourrons-t-ils vouer cette même organisation aux gémonies si ses observateurs jugent crédibles des résultats défavorables à l’ANC lors d’une élection au Togo ?

Quant au pouvoir, le danger est encore plus terrifiant. S’ils appliquent le verdict de la cour de justice de la CEDAO sur l’exclusion des députés, ils sont tenus de faire la même chose au verdict de cette même cour sur l’affaire Kpatcha Gnassingbé, puis qu’elle a déjà été saisie par ses avocats.

C’est donc la quadrature du cercle, mais peut être, et surtout la fin de l’insouciance au Togo. Nul ne pourrait donc plus brimer impunément un citoyen en s’abritant derrière la justice de son pays, au motif souveraineté nationale.

 

Publié dans Info togolaises

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Commenter cet article
A
<br /> L'argent est un miroir magique fait de magie, des méchants, des hypocrites dans le prototype achevé avant la fuite;<br />
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B
<br /> Si vous n'avez rien, souvenez-vous, vous devez avoir une croyance.<br />
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